NCIES - Poitiers
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Gilles Grecourt

I. Introduction

Depuis peu, le Président de l'Université est porté disparu. Il aurait été vu pour la dernière fois près du lac de Saint Cyr sirotant un verre de whisky. Alors que l'enquête sur sa disparition est à peine entamée, son corps est retrouvé dans l'une des petites tourelles situées aux angles de la cathédrale de Poitiers, côté est, par le concierge des lieux.

Avant d'être assassiné, il semble avoir été soumis à un curieux rituel. Le Président est pendu et porte une bourse autour du cou. Son corps mutilé présente de multiples lacérations au couteau et un poignard ornementé est planté dans son plexus solaire. La main du président est attachée à la poignée de l'arme. Un calice placé sous le corps déborde de sang, et des bougies consumées sont disposées tout autour de l'ensemble. Un morceau de manuscrit est par ailleurs retrouvé par terre, dans un coin de la tourelle.

Le crime vient de se commettre. Une enquête de flagrance est donc ouverte, elle ne pourra durer que 8 jours. L’officier de police judiciaire avisé du crime flagrant informe immédiatement le procureur de la République, se transporte sans délai sur les lieux du crime et procède à toutes les constatations utiles.

II. Sur la scène de crime

En vertu de l’article 54 alinéa 2 du code de procédure pénale, l’officier de police judiciaire veille à la conservation des indices susceptibles de disparaître, et de tout ce qui peut servir à la manifestation de la vérité. Il saisit les armes et instruments qui ont servi à commettre le crime ou qui étaient destinés à le commettre.

On retrouve sur le lieu du crime :

  • un mégot de cigarette,
  • des traces de poudre à quelques mètres du corps de la victime, ainsi qu'une balle dans le mur, près de l'entrée de la pièce,
  • une grande quantité de sang sous la victime et une tache qui semble plus excentrée de la scène,
  • de la terre sous les chaussures de la victime,
  • des insectes sur la manche droite de la chemise de la victime,
  • un poignard recouvert d’empreintes.

La police technique et scientifique joue donc un rôle important dans la mission de police judiciaire en apportant les moyens techniques et scientifiques pour fixer les circonstances de l’infraction (album photographique, plan des lieux…) et pour identifier le ou les auteurs grâce à l’exploitation des traces ou indices matériels découverts sur la scène de crime.

Les recherches de la police technique et scientifique s’appuient sur le principe de LOCARD et nécessitent le respect de certaines règles. Le principe de LOCARD ou principe d’échange repose sur le postulat selon lequel sur le lieu d’un crime, un individu laisse toujours des traces de son passage et emporte, lorsqu’il repart, des éléments pris sur ce lieu.

L’exploitation de ce principe explique dès lors le caractère multidisciplinaire de la police technique et scientifique qui doit associer des spécialistes scientifiques issus de différentes disciplines.

La scène de crime doit donc être préservée de l’apport de tout élément pouvant venir fausser les prélèvements effectués sur les lieux. Les services de police ou de gendarmerie devront donc limiter au strict minimum l’accès des lieux, noter ce que les différents services déplacent sur la scène de crime, et délimiter un périmètre de sécurité (gel des lieux).

Lors des constatations, il faudra que les enquêteurs n’utilisent qu’un seul cheminement lors de la pénétration sur la scène de crime, revêtent des gants et des combinaisons ainsi que des protections pour les chaussures. Par ailleurs, l’accès des lieux leur sera entièrement réservé. Enfin, ils devront s’abstenir de fumer et de mettre les mégots dans les cendriers du lieu du crime. Tous les éléments prélevés sur la scène de crime sont placés sous scellés.

L’autopsie est obligatoire puisque la mort de la victime est violente. Le médecin légiste annonce qu’elle aurait été poignardée à 27 reprises avant le coup final dans le plexus.

III. Examen technique

L’officier de police judiciaire a recours à toutes personnes qualifiées pour procéder aux constatations ou examens techniques et scientifiques. A moins que ces personnes ne soient inscrites sur une des listes prévues à l’article 157 du code de procédure pénale, les personnes ainsi appelées prêteront, par écrit, serment d’apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience. Elles procèdent à l’ouverture des scellés, en dressent inventaire et en font mention dans un rapport établi conformément aux dispositions des articles 163 et 166 du code de procédure pénale.

Les indices ainsi récoltés sont analysés par les services spécialisés :

  • Les biologistes et les chimistes procèdent à l’analyse des organismes trouvés sur le corps, à l’analyse du sang de la victime et aux prélèvements ADN.
  • Les physiciens et mécaniciens analysent les traces de poudre. Cela leur permettra, si l’arme est retrouvée, de prouver que c’est elle qui a été ou non utilisée. 1ère partie de la contribution des physiciens : analyse sur la scène de crime
  • Les écologues et géologues procèdent à l’analyse de la terre, ainsi que des insectes, trouvés sur la scène de crime.
  • Les informaticiens analysent les empreintes digitales.

Puisqu’un cadavre a été découvert et que la cause de la mort est inconnue ou suspecte, le procureur de la République se fait assister de toutes personnes capables d’apprécier la nature des circonstances du décès. Ces personnes prêtent serment sauf si elles sont déjà inscrites sur liste d’experts.

Outre les experts déjà mandatés précédemment cette règle s’applique également :

  • aux spécialistes médiévistes qui analysent les rituels entourant le crime et traduisent le manuscrit rédigé en anglais médiéval ;
  • aux sociologues qui établissent une socioanalyse de la victime ainsi que du ou des criminels.

En vertu de l’article 62 du code de procédure pénale, l’officier de police judiciaire peut appeler et entendre toutes personnes susceptibles de fournir des renseignements sur les faits ou sur les objets et documents saisis. Ces déclarations sont mentionnées sur un procès verbal d’audition. C’est dans ce cadre que les témoignages des promeneurs du Lac, du personnel du bar ainsi que de l’entourage privé et professionnel du Président sont entendus.

Les proches de la victime (familles et amis) apportent peu à l’enquête. Aucun d’eux ne connaît l’existence d’ennemis de la victime, et tous confirment qu’elle se rendait régulièrement au lac de Saint-Cyr.

Le concierge de la cathédrale. On découvre que celui-ci fume régulièrement dans l'édifice. La police compare son ADN avec celui du mégot. Les deux ADN concordent. Le mégot n'appartient donc pas au meurtrier.

Le personnel du bar de Saint-Cyr dans lequel le Président a semble-t-il pris son dernier verre. Les enquêteurs apprennent que l'homme a commandé un whisky et a été servi par un étudiant travaillant dans ce lieu « en extra », et illégalement, celui-ci étant déjà allocataire pour la thèse qu'il prépare (Lien hypertexte vers explication des alloc-moniteurs).

L'entourage professionnel du Président. Le témoignage de sa secrétaire attire particulièrement l'attention des enquêteurs. Le même doctorant que celui travaillant au bar de Saint-Cyr serait venu s'entretenir avec le Président. L'entretien aurait rapidement mal tourné. Le Président aurait su garder son calme face à l'étudiant très agité, réclamant justice pour une raison encore inconnue. A la demande des enquêteurs, la secrétaire retrouve le motif de l'entretien : le jeune doctorant serait venu lui réclamer un poste de moniteur, car il estimait le mériter et ne l'avait pas obtenu. Le Président aurait tenté de lui expliquer, en vain, que la distribution de ces postes ne lui appartenait pas.

Au terme des différents témoignages il apparaît qu’une personne est mentionnée plusieurs fois. En effet, le président aurait eu, selon sa secrétaire, une discussion très vive avec un étudiant. En outre, ce dernier s’avère travailler à la buvette du lac Saint Cyr, lieu où la victime aurait été vue pour la dernière fois.

Comme le permet l’article 63 du code de procédure pénale, toute personne à l’égard de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction, peut être placée en garde à vue. Cette mesure contraignante et privative de liberté permet en quelque sorte aux enquêteurs d’avoir le suspect « sous la main » pour une durée de 24 heures renouvelable. Parallèlement à ce placement, le procureur décide de saisir le juge d’instruction afin que ce dernier procède à des investigations plus poussées. Si, en matière criminelle, l’instruction est obligatoire, la loi ne précise pas le moment où le procureur doit se dessaisir de l’affaire au profit du juge d’instruction. Dans les faits, le procureur rédige son réquisitoire introductif lorsque la découverte de nouveaux éléments nécessite de plus amples investigations, ou lorsque le cadre juridique de l’enquête démontre ses limites, soit que l’enquête de flagrance arrive à terme, soit que les enquêteurs aient accompli tout ce qu’elle leur permettait de faire.

Désormais saisi de l’affaire, le juge d’instruction dispose de pouvoirs d’investigation accrus, comme en témoigne l’article 81 du code de procédure pénale. Profitant de ce que le suspect est « à disposition » puisqu’en garde à vue, le juge d’instruction délivre aux officiers de police judiciaire une commission rogatoire afin que ceux-ci procèdent à la perquisition de son domicile.

Au cours de cette perquisition effectuée, comme le requiert la loi, en présence de l’intéressé, les officiers de police judiciaire saisissent l’ordinateur du suspect, afin que les services spécialisés analysent le contenu de son disque dur.

Ils trouvent en outre un médicament qui contient du benzodiazépine ainsi qu’une ordonnance au nom du suspect. Ils découvrent une arme à feu ainsi que les vêtements identifiés comme ceux que le suspect portait à Saint-Cyr. Ils sont prélevés pour chercher s’ils présentent des traces de poudre.

Le juge d’instruction fait également procéder à des prélèvements ADN afin de les comparer à celui trouvé sur la scène de crime.

Au terme de la garde à vue, l’individu est remis en liberté faute d’éléments suffisants pour l’inculper. Cette liberté ne sera toutefois que de courte durée puisque les résultats des analyses établissent clairement sa culpabilité.

IV. Les analyses sont effectuées par les experts

  • 2ème partie de la contribution des physiciens : analyse des vêtements Cette poudre ainsi que celle retrouvée sur les lieux du crime proviennent bien de l'arme du suspect. Celui-ci se serait donc servi de son arme dans la cathédrale, mais à quelle fin, puisque le Président est mort poignardé?
  • Contribution des mathématiciens : analyse du disque dur car les courriels sont cryptés. On découvre alors toute une correspondance cryptée entre le doctorant et son directeur de thèse, ce qui intrigue les enquêteurs : pourquoi un doctorant et son directeur crypteraient-ils les mails qu'ils s'envoient? Des mathématiciens sont appelés à la rescousse, leur mission : décrypter cette étrange correspondance. Ils y parviennent finalement. Le contenu des mails est sans équivoque... Le doctorant et son directeur n'avaient prévu que l'enlèvement du Président, afin de lui faire peur, et que le doctorant obtienne le poste convoité. Mais les choses ont mal tourné, et les mails révèlent que le directeur de thèse ne voulait pas tuer la victime : il reproche même à son étudiant de l'avoir fait.

Convoqué par le juge d’instruction, le suspect finira par tout avouer lors de son entretien de première comparution. Les deux hommes avaient pour projet d'enlever le Président et de le brusquer un peu pour l'obtention de ce poste tant désiré de moniteur. Mais ce jour là, à Saint Cyr, le doctorant reconnaît le Président de l'Université attablé à la terrasse du bar où il travaille, et voit là une formidable occasion de mettre son plan à exécution. Sans plus attendre, il verse discrètement le médicament, qu'il emporte toujours avec lui, dans le verre de sa victime et entame calmement la conversation. Il affirme qu'il a compris pour quelle raison il n'a pas eu le poste et présente ses excuses au Président, qui accepte de le suivre dans un endroit plus tranquille. Le jeune homme revient alors sur ses dires et demande une nouvelle fois au Président de lui donner un poste de moniteur. Celui-ci affirme de nouveau ne pas être en mesure de le faire. Le ton monte, tandis que, sous l'effet de la drogue, le Président commence à somnoler.

Le jeune doctorant, hors de lui, réussit à déplacer le Président inanimé jusqu'à sa voiture et l'emmène dans la cathédrale, un endroit qu'il aime particulièrement et qu'il sait être tranquille. Il décide, rongé par la haine et par son sentiment d'injustice, de mettre fin à la vie du malheureux. Il commence à donner ses coups de poignard, 27, comme les 27 postes de moniteur attribués cette année, et un dernier coup dans le plexus pour celui qu'il n'a pu avoir...

Le directeur, suspectant une dérive de son doctorant, l'avait suivi. Le bruit qu'il fait en entrant dans la cathédrale alerte l'étudiant qui, en proie à une grande panique, sort son arme et tire vers la porte avant de reconnaître son directeur, le ratant de peu. Une discussion houleuse démarre entre les deux hommes. Le doctorant repousse violemment son directeur, dont le nez heurte le mur et se met à saigner (d'où la tache de sang excentrée).

Le Président étant déjà mort, pour se protéger, les suspects maquillent la scène de crime, dans le but de faire croire à un rituel, à une cérémonie secrète de confrérie, s'inspirant de ce que le jeune doctorant passionné d'histoire a lu là-dessus.

La présence du directeur sur la scène de crime est prouvée au moyen d’une analyse ADN.

À l’issue de l’entretien avec le juge d’instruction, l’étudiant se voit mis en examen, et une demande de placement en détention provisoire est formulée auprès du juge des libertés et de la détention.

Les deux seront jugés pour assassinat et complicité d’assassinat devant la cour d’assises de Poitiers. Ils encourent tous les deux la perpétuité.


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