NCIES - Poitiers
Equipe écologie-géologie

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Pauline Andrieux
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Frédéric Chevalier

I. Introduction

Après la découverte du corps du président de l’Université dans l’une des petites tourelles situées aux angles de la cathédrale côté est, l’analyse sur place du corps de la victime est réalisée. Parmi les différents indices, de la terre est retrouvée sous les chaussures de la victime ainsi que des cadavres d’arthropodes sur la manche droite de la victime. Après photographies, les chaussures ainsi que les vêtements du Président ont été mis sous scellés pour être analysés en laboratoire. Des échantillons sont aussi prélevés autour du corps ainsi que dans les escaliers qui permettent l’accès à la tourelle. Ces indices sont confiés à l’équipe Ecologie-Géologie des experts Poitiers.

II. Généralité sur l’écologie et la géologie

1. Qu’est ce que l’écologie ?

L'écologie est la science qui étudie les relations qu'entretiennent les organismes entre eux et avec leur environnement. Il s'agit plus exactement d'un ensemble de sciences regroupant des disciplines allant de la biologie à la physique en passant par la météorologie, la chimie, la pédologie...

Dans ce contexte, les études biologiques peuvent aller de la compréhension des structures populationnelles (par exemple l'évolution d'une population d'insectes au sein d'un environnement donné) jusqu'au dialogue moléculaire qui peut s'établir entre deux organismes (par exemple la relation entre un hôte et son parasite).

2. Qu’est ce que la géologie ?

Sol
Figure 1 : Exemple d'un sol dans les environs de l'Université de Poitiers

La géologie est une des disciplines des sciences de la terre qui étudie les couches internes et externes de la terre, la composition de sa structure, de l’histoire et des processus qui la façonnent. Mieux comprendre ce qui s’est passé auparavant permet de mieux prévoir l’avenir. Elle peut être rattachée avec d’autres sciences et regroupée des domaines aussi variés que la géochimie, la géophysique, l’hydrologie, la minéralogie, la paléontologie, la volcanologie, la pédologie, la sédimentologie, la pétrographie,...

La géologie moderne est une science relativement récente. Bien que certains phénomènes géologiques intéressent depuis longtemps (tremblements de terre, volcans, érosion,…), la naissance de la géologie moderne est difficile à dater. Une peinture murale datant du VIème millénaire av. J.C. et montrant une éruption volcanique représente la première trace de l’intérêt porté aux phénomènes géologiques. Mais ce n’est que dans les années 1830 que la géologie est définitivement établie en tant que science et possède ses propres sociétés savantes et publications scientifiques.

La minéralogie qui concerne l’étude des minéraux est beaucoup plus ancienne. C’est l’identification des différents minéraux qui va nous permettre d’obtenir des informations sur le (ou les) type(s) de sol retrouvé(s) sous les chaussures du président.

3. Utilisation de l’écologie et de la géologie dans les sciences criminelles

Un criminel laisse toujours des traces sur la scène de crime (trace de son passage, de son activité, empreintes digitales, fibres, traces de pas, cheveux, ADN, traces de contact,…). La première chose à faire sur une scène de crime est de fixer photographiquement la scène. Ensuite, il s’agira de rechercher toutes les traces visibles (sang, cheveux, insectes, présence de terre,…), ou les traces latentes (c'est-à-dire des traces qu’on ne voit pas à l’œil nu mais qui peuvent être mises en évidence par des techniques de révélation (ex : sang lavé, empreintes,…)). Cette étude permet de mettre en relation les différents objets/indices retrouvés et la scène de crime.

Sur notre scène de crime, c’est la présence de la terre sous les chaussures de la victime qui va intéresser le géologue. Il va tout d’abord procéder par identification des différents éléments/minéraux présents dans la terre à l’aide de différentes techniques scientifiques (loupe binoculaire, microscopie électronique à balayage, diffraction de rayons X, infrarouge,…) et ensuite agir par comparaison avec différents sols. D’autres éléments peuvent être analysés en sciences criminelles pour aider à confondre un coupable (ex : analyse des isotopes,…).

La présence des cadavres d’arthropodes va, quant à elle, intéresser l’écologue. Il va isoler les animaux et les identifier via des clés de détermination. C’est en sachant qui ils sont qu’il va pouvoir remonter à leur environnement.

Si l’analyse nécessite une séparation d’échantillons ou sa destruction partielle (broyage), une demande est faite à la justice pour autorisation de destruction d’échantillons. Une fois l’autorisation obtenue, les différentes pièces récoltées sur la scène du crime peuvent être sorties de leurs scellés et sont de nouveau photographiées. Les différents indices doivent être conservés au laboratoire. Ils peuvent être analysés de nouveau dans le cadre de l’enquête si une contre expertise est demandée.

III. Analyse des indices retrouvés sur la scène de crime

1. Analyse des insectes retrouvés sur la scène de crime

Dans les vêtements, sont retrouvés des cadavres d'arthropodes (animaux possédant un squelette externe et des pattes articulées (étymologiquement, le mot provient du grec « arthros », articulé et « podos » pied)). Les cadavres sont isolés et les espèces déterminées via des clés de détermination. Ces clés permettent d'attribuer un nom d'espèce à un individu par l'observation de certains de ses caractères. Les caractères étudiés peuvent être par exemple le nombre et la taille des antennes ainsi que le nombre de leurs articles (éléments articulés des antennes), le nombre de paires de pattes, le nombre de paire d'ailes et leur taille, la couleur de la cuticule (le squelette externe des arthropodes), etc.

Les arthropodes une fois identifiés peuvent être reliés à un environnement. En effet, leur biologie est généralement connue : ils ont des contraintes physiologiques qui les restreignent généralement à un type d'environnement donné. Par exemple, les libellules sont des insectes vivant au bord d'une étendue d'eau, celle-ci étant indispensable à leur reproduction.

Les arthropodes prélevés sur le corps du Président ont été identifiés. Il s'agit de libellules (insectes) et de cloportes (crustacés terrestres). Ces deux types d'arthropodes sont inféodés à un milieu aquatique stagnant. Ceci suggère que le Président se serait rendu au bord d'une étendue d'eau. Parmi les entendues d'eau stagnantes les plus proches, se trouve le lac de Saint-Cyr. Cet indice confirme l'emploi du temps du Président, ce dernier ayant prévu de se rendre là-bas.

2. Analyse de la terre retrouvée sur la scène de crime

Chaussures
Figure 2 : Chaussures du président sur lesquelles sont effectués les prélèvements

Une observation minutieuse des chaussures est faite pour identifier les différentes zones et types de terre présents.

Cette observation a lieu tout d’abord à l’œil nu puis à la loupe binoculaire qui permet un grossissement des objets que l’on observe.

Les prélèvements sont effectués en fonction des différentes zones observées, séparées (par granulométrie) et préparées (par broyage).

Un sol est composé de deux fractions : la fraction minérale (composé de minéraux) et la fraction organique (provenant des êtres vivants végétaux et animaux).

La granulométrie permet de séparer les particules en fonction de leur taille. Tout d’abord, les échantillons sont passés au travers de différents tamis de mailles décroissantes. Les éléments les plus gros restent dans le tamis, les plus petits, quant à eux, passent au travers. Ils sont ensuite récupérés puis passés de nouveau au travers d’un autre tamis de taille plus petite. Chaque taille d’échantillon récoltée est conservée pour analyse. Une fois l’échantillon trop petit pour être passé au travers d’un autre tamis, un granulomètre laser est utilisé. La poudre est convoyée par de l'eau ou par de l'air et passe dans un faisceau laser. Le laser disperse les particules qui sont ensuite récupérées.

figure 3a
(a)
figure 3b
(b)
Figure 3 : (a) Grains de sable observés à l'oeil nu ; (b) Grains de sable observés à la loupe binoculaire (agrandi 20 fois)

Ensuite, tous les échantillons obtenus par ces méthodes sont analysés. Tout d’abord, ils sont observés par microscopie électronique à balayage. Cette méthode permet d’obtenir une image des échantillons de très petites tailles. Grâce à leur forme, à leur aspect, on peut déjà avoir une idée des éléments présents dans l’échantillon.

Les échantillons sont aussi analysés par Diffraction de rayons X. Cette méthode consiste à envoyer un faisceau de rayons X sur l’échantillon. Les rayons X renvoyés par l’échantillon sont récoltés puis analysés par l’appareil. Le résultat de l’analyse se présente sous la forme d’un spectre qui présente des pics. Chaque pic est attribuable à un élément de l’échantillon. On peut ainsi déterminer la composition de l’échantillon.

Une troisième technique est aussi utilisée : la spectroscopie infrarouge. Cette méthode est surtout utilisée pour reconnaitre la matière organique présente dans l’échantillon (c'est-à-dire la matière carbonée produite en général par des êtres vivants (végétaux, animaux, ou micro-organismes). Pour cette technique, c’est un laser qui va être envoyé sur l’échantillon. Le résultat est aussi présenté sous la forme d’une figure présentant des pics (appelés ici bandes).

figure 4a
(a)
figure 4b
(b)
figure 4c
(c)
Figure 4 : Lieux des différents prélèvements (a) Lac de Saint Cyr (b) Université de Poitiers (c) Cathédrale Saint Pierre de Poitiers

Ces techniques permettent de déterminer les différents éléments présents dans l’échantillon mais ne peuvent en aucun cas nous permettre de dire où le président est passé avant d’être assassiné sans une comparaison avec d’autres sols !

Une reconstitution de l’itinéraire du président a été faite. Les derniers endroits où la victime a été vu ces derniers temps et qui pourrait correspondre aux traces sous ses chaussures sont chez lui, à l’université, au lac de Saint Cyr (il aurait été vu pour la dernière fois à cet endroit) et dans la cathédrale. Après interrogation de ses proches, son domicile est exclus, le président ne serait pas allé dans son jardin depuis très longtemps, il ne se balade jamais avec ses chaussures dans sa maison. Sa voiture reste dans son garage qui est nettoyé très régulièrement. Il portait par contre les chaussures retrouvées sur le lieu du crime, lorsqu’il est allé à son bureau de l’université, à Saint Cyr et forcément dans la cathédrale. Des prélèvements sur ces différents lieux sont effectués pour être analysés comme précédemment. Il n’est cependant pas à exclure que le président soit passé par un autre endroit non échantillonné et qui pourrait présenter les caractéristiques des échantillons retrouvés sous ses chaussures !

Une fois les analyses effectuées comme précédemment pour tous les échantillons à l’aide de ces différentes techniques, on agit par comparaison entre les prélèvements obtenus sur la victime et ceux échantillonnés sur le lieu du crime et les différents endroits où auraient été vus le président. Les traces les plus récentes confirmeraient que le président soit bien allé au lac de Saint Cyr puisque la comparaison des éléments retrouvés sur la victime concorde le plus avec ceux prélevés au lac de Saint Cyr. Du sable est notamment retrouvé sous ses chaussures. Cependant, cet échantillonnage peut ne pas être exhaustif car il ne prend pas nécessairement en compte l’ensemble des lieux où se serait rendu le Président, lieux qui pourrait présenter les caractéristiques des échantillons retrouvés sous ses chaussures !

IV. Bilan

L’identification du sable confirme, comme celle des insectes, la présence du Président au lac de Saint Cyr. Cependant, le Président aurait pu se rendre dans d’autres lieux qui n’auraient laissés de traces ni sur ses vêtements ni sur ses chaussures avant de se rendre dans la cathédrale. L’identification des organismes, tout comme les analyses géologiques sont donc de bons moyens de confirmer ou d’infirmer des hypothèses concernant une enquête. Mais elles doivent être couplées avec des analyses effectuées par d’autres disciplines telles que la chimie, la mécanique, l’informatique,…, afin de compléter les éléments d’enquête pour confondre le meurtrier.

Saint Cyr
Figure 5 : Lac de Saint Cyr où le président aurait été vu pour la dernière fois...

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